jeudi 27 janvier 2011

Vîrus Interview

Il y a des projets que l’on prend comme une brique sur le coin de la gueule.
«15 Août» en fait assurément partie. Appuyé par des textes soignés, des beats pesants, un univers original et surtout : une forte personnalité qu’on lit entre les lignes.
Tout pour plaire en somme !
Ou effrayer, c’est selon…






Si tu pouvais te présenter : expliquer ton blaze et résumer brièvement ton parcours.

Le nom Vîrus m’a été donné par un pote pendant l’adolescence, comme souvent d’ailleurs. C’est un nom qu’il faut savoir porter car il peut vite te faire passer pour un con dans certaines situations, quand tu arrives à un âge plus «adulte».
Premier titre enregistré en 2000, puis des apparitions par-ci, par-là, un Ep, un Street-Cd, le temps de se forger une réelle identité artistique en fait. Un parcours presque classique, mais toujours en électron libre.

Il y a quelque chose que j’ai du mal à cerner chez toi, ce sont tes influences…

Le plus souvent ce sont des beatmakers qui m’ont frappé par leurs atmosphères. Le fait que je me mette à rapper dans ma tête par-dessus le Mc sur le morceau, que je note directement des bouts de phrases ou que je fasse la route Paris-Rouen avec le même son en boucle. Mes influences sont tout ce qui peut faciliter le processus d’écriture et je demande régulièrement à mes «médiathèques personnelles» de me faire des compilations de titres qui vont me parler.

Ce qui frappe chez toi, de premier abord, c’est ton écriture. Tu la définie comme : 1/3 de jeu, 1/3 d'inexplicable et 1/3 de torture… Tu pourrais développer ?

Le tiers de jeu, c’est la façon dont je vais m’amuser à faire des mots-valises (comme «sincérieux» ou «lundimanche»), créer des images, prendre des photos (genre «laisser pousser ses barbelés», etc…) et me faire rigoler tout seul avec des espèces de figures de style. C’est la partie où je reste un gamin, je délire, je joue aux Lego, à la pâte à modeler…
L’inexplicable, ce sont les phases qui tombent du ciel, le stylo qui crache tout seul, le truc sans calcul, sans recherche, qui ne t’appartient même pas. La phrase mystique, où en relisant le lendemain tu te dis : «merde, c’est pas mal ça ! Ils ne vont peut-être pas comprendre, mais ce n’est pas grave…».
Le côté torture implique un plus gros travail de recherche par rapport au fil conducteur que tu donnes au morceau. Le sens de la formule, ne pas aller dans la facilité et chercher la rime que tu n’as entendue nulle part ailleurs. Mais il y a aussi un lien avec une torture mentale réelle. La boîte crânienne qui fait les trois-huit et qui, forcément te fait avoir des réflexions inattendues, inquiétantes.

A propos du tiers de torture, je me demande si le 1er couplet de #31# n’est pas autobiographique…

En fait la majorité de mes textes partent d’une base autobiographique, même si la personne employée varie entre le «je» et le «tu». C’est de l’écriture ultra-thérapeutique. L’idée, c’est vraiment de rendre le plus universel possible quelque chose de très personnel. Ca passe par pas mal de subtilités, de lecture entre les lignes, sans sombrer dans le «il raconte sa life», parce que les gens s’en branlent, mais tout part de là.

Aujourd’hui la majorité des rappeurs recherche la punchline, la phrase qui tape à l’œil. A l’inverse, j’ai l’impression que tu cherches plutôt à faire dans la subtilité avec des jeux de mots peu perceptibles à l’oreille comme : «Attends ton bus… (À l’arrêt) Ah la raie !» ou «Lis tes ratures (littérature)».

C’est justement là que je m’éclate le plus, avec ses espèces de phases à double sens, en jouant sur les sonorités. Ca peut être une sorte de bonus pour ceux qui vont fouiner, se pencher en profondeur sur le truc, c’est d’ailleurs pour cela que l’on a mis tous les textes avec le Ep. C’est aussi ce genre de choses que beaucoup ne capteront pas et c’est ça que je kiffe ! Ma satisfaction personnelle passe par l’incompréhension des autres…




On note que le sexe est omniprésent chez toi, le titre du Ep a-t-il un rapport avec le jour de l’assomption de la vierge (le 15 août) ?

Disons que l’on a tous frotté une chatte avec nos oreilles pour venir au monde, on a tous une libido à satisfaire à moins qu’on ait mis du bromure dans ton liquide amniotique et que, même s’il te venait l’idée de rejoindre un monastère afin de n’avoir à justifier aucune frustration sexuelle, le sexe est partout. Il n’y a qu’à ouvrir les yeux en allant chercher un pain au chocolat, prendre un bus ou allumer la télé….
Pour ce qui est du titre «15 Août», il n’y a aucune connotation religieuse, je ne sais même pas ce que l’on fête ce jour-là et surtout je m’en tamponne. C’est, pour moi, le symbole d’un week-end de merde où l’on va se dorer la pilule après avoir sué dans les embouteillages sur l’autoroute, pendant que d’autres écrivent des rimes hivernales ou frappent sur des MPC comme ils mettraient des patates dans une porte…

Un des points forts de 15 Août, selon moi, est l’alchimie entre tes textes et les productions de Banane, avec qui tu n’as pourtant jamais travaillé si je ne m’abuse…

Effectivement, on n’avait pas bossé ensemble auparavant. C’est à l’écoute de certains beats que ça m’est apparu comme une évidence. Son univers, sa complexité de réalisation, ses BPM sont très «Vîrusiens» et dès la première écoute, j’ai su où on pouvait emmener ces humeurs…

De la même façon, le clip de saupoudré de vengeance a été réalisé par Tcho, qui a une esthétique adéquate aux ambiances que tu développes. C’est un choix qui s’est fait naturellement ou c’est une connaissance ?

Le contact s’est fait à la suite de la Mixtape «The Nonce : The Only Mixtape» par Bachir, dont Tcho a réalisé le visuel. Au-delà du côté dark qui peut ressortir de certains travaux, je pense surtout que Tcho arrive à coller parfaitement à l’univers de l’artiste avec lequel il taffe. Ca a été un plaisir de voir que quelqu’un pouvait rentrer dans ma tête et faire plus que mettre des images sur de la musique. Tout s’est fait le plus naturellement du monde, en se tapant des barres de rires malgré l’atmosphère qui se dégage du clip.





Aujourd’hui tu annonces une trilogie de Ep’s en téléchargement gratuit, pourquoi cette démarche alors qu’en règle général après un maxi et une tape on sort son album ?

L’idée est surtout de décliner le projet en 3 volets pour se focaliser sur 3 dates symboliques du calendrier qui peuvent être source de misanthropie. Faire une sorte de contrepied à ce que la société voudrait faire de nous ces jours-là. Quand tu bronzes le 15 août, je m’enferme et j’écris. Quand tu célèbres une fin d’année, je pense à prendre l’avion pour aller dans un pays où tout le monde s’en branle. Quand tu invites ta meuf au resto pour lui montrer un quelconque intérêt sentimental, je pense à une entourloupe pour la détourner. Après, ce qu’il faut savoir, c’est que cette démarche de Ep’s en free download, c’est surtout pour que ça sorte vite, pour rester dans le spontané. Trop marre des morceaux qui meurent avant de naître…

Donc la suite c’est quoi ? J’ai cru deviner que le volume 2 sortirait le 31 décembre… un volume 3 le 14 février ?

Oui, les prochains volets seront «31 Décembre» et «14 Février» mais ils ne sortiront pas à ces dates là précisément. On conçoit plus le truc comme des tiers d’album que des Ep’s et je pense que l’on pressera le tout à la fin avant d’enclencher des projets plus casse-couilles en terme d’organisation. Là, ce qui me plaît, c’est que l’on ne se prend pas la tête, on enregistre le squelette, on l’habille et on met le cadavre à disposition…



Le Ep «15 Août» toujours en téléchargment sur http://rayondufond.bandcamp.com/
2 février : 1er extrait «Faites Entrer L'accusé»
14 février : sortie du Ep «31 Décembre» et du clip de «Faites Entrer L'accusé»

1 commentaire:

  1. Interview très intéressant !! Cela nous plonge dans l'univers de Vîrus... c'est cool et il a vraiment du talent !

    Passe sur mon webzine à l'occaz : hipopen.net

    PEACE

    RépondreSupprimer