mardi 10 mai 2011

Madizm - Interview

Figure bien connue parmi les producteurs made in France, Madizm revient aujourd'hui avec de nouvelles ambitions, mais de l'autre côté de l'Atlantique cette fois. Petit entretien pour faire le point sur les choses à venir.



Tu peux résumer brièvement ton parcours, de tes débuts à la prod jusqu’à aujourd’hui.

La question qui tue !! Je vais faire mon pitch alors…Enfance à Créteil, fascination pour le DJing jusqu’en 1997, je suis devenu gros acheteur de vinyls, notamment à travers de nombreux allers-retours à new-York. Entrée dans le monde de la production en 1996, début avec divers petits groupes du 9.3. et du 9.4. Puis premier album de Busta Flex, dernier album de N.T.M. et là ça s’enchaîne. Création de IV My People. Je suis devenu le compositeur-maison. J’ai produit la quasi-totalité du catalogue, sans trop d’exceptions. Presque 10 ans où j’ai pu réaliser un rêve de gosse. Vivre de ma musique. Avec ce que cela comporte comme désavantages. Car tous ces voyages, toutes ces bouteilles de champagne, toutes ces nuits blanches, elles ont un prix. En 2006, alors que des tensions éclatent au sein du label, je décide après avoir produit l’intégralité de l’album de Kool Shen « Dernier Round » de créer une boîte de prod à Paris avec Secundo. On appellera ça 707 TEAM. On a produit plusieurs choses grâce à ce blason qui aujourd’hui n’existe plus. Entre temps, j’avais commencé à bosser avec des MCs de la grosse pomme, puis j’ai rencontré d’autres acteurs du métier et j’ai déménagé aux USA en 2009. Naissance d’une petite fille, relocation, nouveau jobs, il m’a fallu un peu de temps pour restabiliser mon bateau. J’ai depuis créé une petite structure de production appelée SCUM PATROL. Il y a des gens comme Lord Kossity à bord mais aussi des producteurs comme Jee, le célèbre producteur de Toulouse mais qui est apatride en fait !! Et puis divers intervenants de la scène hip-hop. Sebb, de l’entourage Sid Roams, Stefi, un acteur du mouvement hip-hop parisien avec qui je lance d’ailleurs un site non-commercial (pour l’instant !lol) http://www.heatfromthecorner.com/
Aujourd’hui je produis des albums pour Johnny Ringo, un rapper du Texas, je file des titre à un paquet de rappeurs qui essayent de faire leur trou comme Dirty Den, Pills, L.E.P. Bogus Boyz, et j’en oublie. Je travaille également beaucoup plus en studio en tant que voice-recorder, ingé à tout faire. Et j’essaye d’affiner mes skills concernant des investissements fructueux pour le futur et pour ma fille surtout…



Aujourd’hui tu lances « Heat From The Corner », c’est quoi exactement un label ? Un pool de producteurs ?

HFTC ce n’est rien d’autre que l’équipe qui participe activement au lancement et à l’entretien du site. A savoir Jee, Stefi et moi. D’autres gens viendront grossir les rangs sûrement. Mais pour l’instant on fait comme Facebook, on ne veut pas trop attirer l’attention et grossir trop vite. Notre but étant de mettre à disposition du contenu gratuit (ou pas, on verra…) sous forme de MP3, de vidéos et de photos. Tout ça en mode inédit, exclusif, jamais sorti, etc…Vous en saurez plus lors du lancement prévu pour Mai 2011.

On te retrouve sur l’album de Johnny Ringo, que tu as coproduit avec Steve Bellow qui était le protégé de Pimp C et qui incarne aujourd’hui le son UGK. Comment est née cette collaboration ?

La genèse exacte de cette collaboration, c’est Lord Kossity. Il m’a présenté Johnny Ringo en 2010. On s’est retrouvé en studio, on a cliqué comme on dit. Les titres sortaient facilement et on a vite commencé son album ensemble. De là j’ai appris qu’ils étaient proches de gens comme Bun B, Too Short, etc…Il avait fait un feat avec Bun qui tournait grave au Texas et naturellement, Steve Below a commencé à travailler avec lui suite à cette collaboration. Et voilà comment je me suis retrouvé avec Steve en train de produire un album aux sonorités très différentes de ce que j’avais l’habitude de produire.

Ca n’a pas été difficile de travailler avec un producteur reconnu aux states et avec une culture différente ?

Pas trop parce que je connais bien leur culture et on trouve assez rapidement des terrains d’entente…lol…la weed, la musique, le business, ça rapproche les gens ! Faudrait avoir l’esprit tordu pour ne pas s’entendre ave eux de toute façon. Steve est un mec qui a la tête sur les épaules et le cœur sur la main. Ringo en studio, c’est de la crème. On se comprend sans parler. Il connait bien la musique. Moi aussi on va dire. Donc c’est naturel. Et Steve, il est aussi « fasciné » par ma façon de travailler que moi je le suis par son travail.

On pourra s’attendre à quoi concernant l’album ? J’ai vu un live terrible avec Bun B et Ice Cube notamment…

L’album est une carte de visite en fait. Le premier opus d’une série. Et comme toute bonne carte de visite, elle est centrée sur le personnage principal, à savoir Ringo. Il n’y a donc que très peu de featurings. Bun B et Lord Kossity en fait. C’est un mec qui a la nostalgie des albums à l’ancienne, avec peu de producteurs et des titres solos. C’est ce qu’il a fait avec ce premier album. Il a voulu montrer une palette de couleurs histoire de montrer un peu d’où il vient. Et comme il vient du rock, tu as des titres assez chanté comme « Moonlight ». Y’a pas un gramme de rap dedans. D’ailleurs j’ai une anecdote marrante qui rejoint ta question. Le jour où il a enregistré ce titre, il me le fait écouter dans sa voiture. Je kiffe. Et je lui demande qui c’est l’invité. Mais c’était lui. Car son timbre de voix quand il chante est vraiment éloigné de son timbre de rappeur. Tout ça pour dire à quel point le mec est versatile et que c’est dur de l’enfermer dans une boîte…Les titres sont tous assez compacts au point de former un bloc. Il n'y a pas d’ovni. Mais énormément d’infrabasse, de clap, de TR, de synthés analogiques, de guitares. On a gardé pal mal de titres qui ne seront pas sur l’album et que je balancerai au cas par cas. Certains contiennent des samples qui n’ont pas pu être clearé. Ce qui explique qu’il n’y ait pas beaucoup de samples, voir pas du tout (lol !) sans l’album de Ringo. Cela n’est pas fait pour me déranger. Mes goûts ont assez évolué et pris d’autres directions sur les 5 dernières années.


Tu es installé aux Etats-Unis depuis plus de 2 ans maintenant. Partir là-bas, ca voulait dire reprendre ta carrière à zéro ou ton catalogue t’à aidé ?

Ton catalogue ne veut RIEN dire aux US. Surtout en tant que français. Il n’existe même pas dans ce cas !!lol
Le mot d’ordre ici pour les gens comme moi c’est « You are as good as your last hit ». Ce qui veut dire que tu es défini par ton dernier tube (radio, street, télé, mais tube). Si t’as fait un tube y’a 5 ans, ça compte pas. C’est ce que tu fais aujourd’hui qui compte. Voilà l’ambiance. Sachant que la vente de beat est un métier qui a disparu depuis des années déjà, il a fallu que je trouve d’autres façons de « facturer » mon travail. Donc oui, j’ai appris à faire d’autres jobs que de la stricte composition. Par instinct de survie. Si tu ne produis pas pour T.I. ou Lil Wayne, en gros les rappers du top 40, tu as peu de chance de vivre de tes royalties. Alors j’en fais plus. Enregistrement. Mix. Consultant externe.

Et concrètement, qu’est ce qui change dans ta façon de travailler là-bas ? Que ce soit au niveau de la musique comme du bizness…

Tout. La différence notable, c’est que personne ne te demandera de faire quelque chose sans compensation. Ce qui est un autre Monde quand tu connais le business à Paris qui est basé sur le contraire. On te sollicite quasiment toujours gratuitement. Donc la différence est de taille. Même si il te paye en nourriture, t’auras ton poids en bonbons, mais t’auras quelques chose !! Après il y a des similitudes entre la France et les USA, c’est le fait que la modèle économique est en refonte total. Du coup cela donne lieu à des pratiques qui sont condamnables en tant normal, mais acceptées en ces temps de restructuration. Signer un artiste en direct est devenu chose impossible même ici. Maintenant la comparaison s’arrête là. Aux USA, ils ont toujours des labels assez solides (YM, Shady, Grand Hustle, Cash Money, Maybach, etc…) qui investissent toujours sur les personnes. Ce sont les seuls qui signent encore des rappers. L’effet d’annonce est toujours d’actualité. Alors qu’en France, cette époque est révolue. Enterrée. Et je ne sais pas si elle renaîtra un jour.

Tu fais partie d’une génération qui a tout fait en autodidacte, quel œil portes-tu sur les nouvelles technologies et internet qui permettent à n’importe qui de produire ou rapper ?

Internet vend du rêve. Comme une agence de voyage. Le premier rêve c’est d’être connecté avec le monde entier. Ce rêve est encore le moteur de base d’Internet. Après les logiciels ont toujours existé dans le rap. Depuis Notator, Cubase, et après Logic, Pro Tools…la technologie n’est pas un problème en soi. Surtout que le rap s’adapte en fonction de ce qui est disponible. Mais le rêve qui consiste à croire que tu peux tout faire tour seul, dans ton coin, sans « formation », ça c’est dangereux. Une grande quantité de gens se sont mis à croire grâce à des Fruity Loops et autres que produire ce n’était pas si compliqué que ça. Mais bien produire reste toujours aussi compliqué en fait. Voir plus car l’offre a augmenté.
Je ne jette pas la pierre à la technologie, plus à l’utilisateur. Ce n’est pas parce que j’ai Photoshop sur mon desktop que je me déclare « graphiste ». Mais l’égo des gens fonctionne de manière assez typique des fois.

Aujourd’hui le publishing a mis un sérieux coup d’arrêt au sample. Ta façon de produire a-t-elle changé ? Tu vois plutôt ça comme un handicap ou un challenge ?

Les 2 en fait. C’est un handicap dans ma réalité de producteur car je ne peux pas faire ce que je veux, mais ce que je peux. Je le transforme donc en challenge pour me motiver. Mais si je pouvais prendre un raccourci, je samplerai encore la majeure partie du temps. J’ai été obligé de m’adapter à la demande. Et j’ai aussi mes propres goûts qui ont changés. Je ne suis pas un vide backpaker nostalgique des 90’s. D’ailleurs une grande fraction de ce qui a été produit à cette époque ne résiste pas toujours à l’épreuve du temps. Aujourd’hui j’écoute du Young Jeezy autant que du Prodigy. Et j’aime ça. Je ne me force pas à aimer des prods de Shawty Redd ou Drumma Boi. Je les trouve honnêtement très fort. Mon challenge, c’est de ne pas apparaître « hors-course » quand je presse Play sur un instru ici. Et au vu des retours que j’ai, ça va. Je me bats bien. On verra si je sortirai gagnant du match à la fin.

Questions casse-couilles pour finir. 5 prods que tu aurais voulu avoir faites.

Oh là…mes 5 prods préférées en gros. Je n’aime pas faire ça car j’aime trop de titres mais je vais essayer :
“Represent” Nas
“T.R.O.Y.” Pete Rock & CL Smooth
“My Mind Playing Tricks On Me” Geto Boys
“Always Into Something” N.W.A.
“How Many MC’s” Black Moon

5 mc’s ou groupes pour lesquels t’aurais voulu produire.

La façon dont tu poses la question implique que cela n’arrivera pas, alors je vais me lancer encore une fois :
Big L
Biggie Smalls
IAM
Ghost & Rae ensemble
Jay (quoique si je deviens franc-maçon, je vais peut-être y arriver)…




Et en bonus, un nouvel extrait de l'album (un des meilleurs sons pour ma part)
Bukldown

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